“Influence, entre fantasmes et réalités”, retour sur une table ronde au cœur de l’actualité

Nouvelle année, nouveau millésime des conférences APCOM et donc nouvelle table ronde (même si, comme la plupart du temps, c’est en fait une demi-table ronde, propice aux échanges ! 😉) 

 Le mardi 16 janvier dernier, celle-ci s’est déroulée au sein des locaux nantais de l’école SUP’DE COM sur le sujet de l’influence, les réglementations qui y sont associées, les dernières évolutions de son utilisation en France et l’arrivée des intelligences artificielles sur ce secteur.  

Une heure trente d’échanges passionnants devant une quarantaine de communicant.e.s,  grâce à l’expertise de nos quatre spécialistes : Lauriane Le Texier (Fondatrice de l’agence d’influence, La Louve and Partners, membre du conseil exécutif de l’UMICC*), Tom Esnault (Conseiller en communication politique et influence, Ensemble sur nos territoires), Nolwenn de Cintré (Fondatrice de Ciba Stratégie & La Social Room) ainsi que Camille Nourtier (Social média manager et lead influence, @gulfstreamgroup et créatrice de contenus @camille brunette ).  

*UMICC : Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu 

L’influence en France et le terme d’influenceur.se ? 

Cette conférence inédite sur le sujet a permis de mettre en avant quelques indicateurs clés de l’influence en France mais aussi, pour l’ensemble du public présent, de mieux recentrer le terme “d’influenceur.se”. Un terme souvent mal perçu, “notamment à cause de bad buzz” (comme le souligne Camille Nourtier), comme le symbole de l’écervelé.e de télé-réalité à Dubaï. Alors qu’il s’oriente maintenant davantage vers une réalité de “créateur.trice de contenu”, d’expert.e de la communication “social media” alliant démarche stratégique et contenu créatif au service des marques”.  

Au total, pas moins de “150 000 personnes pratiquent un métier de l’influence en France”, produisant de manière générale “du contenu de qualité, sur le bon canal, au bon moment ”, souligne Nolwenn de Cintré. Cette dernière reconnaît que l’influence évolue en 2023 avec la notion de spécialistes qui émergent – les TikTokeurs.ses – ou encore la généralisation de ce concept sur l’ensemble des secteurs (sportif, politique, santé, tourisme, culture, etc.). Certaines croyances ont par ailleurs été recadrées concernant la réalité des influenceurs.ses : comme la taille médiane de leurs communautés – qui se situe à seulement 10 000 followers, ou encore leur salaire moyen – qui ne se compte pas en millions, mais plutôt vers les… 3 000€ par an. 

“Aujourd’hui, il y a énormément de micro-communautés et l’on peut rapidement devenir influenceur.se, sans même le vouloir, lorsque l’on a une passion particulière à faire partager” précise Lauriane Le Texier. 

Comment se structure donc l’influence aujourd’hui ? 

Pour mieux encadrer l’influence aujourd’hui, de nouvelles normes législatives et un ensemble de supports comme un “guide des bonnes pratiques” ont été mis en place ces derniers mois, à l’issue d’un travail important en Commissions législatives.  

En 2023, la création de l’UMICC (Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu) s’est ainsi révélée indispensable “pour protéger les consommateurs, structurer le milieu, et apporter une vision réelle du métier”, tel que nous l’explique Lauriane Le Texier. 

Pour étoffer ces propos, Tom Esnault explique plus en détail la loi du 9 juin 2023, “issue d’une volonté transpartisane de sécuriser les influenceurs mais aussi les consommateurs”, en rendant obligatoire les termes de “collaboration commerciale” ou “contenu sponsorisé” en cas de contrat entre un.e influenceur.se et une marque. Nous rappelant que seul un décret sur les sept prévus est en vigueur aujourd’hui, et que de nombreux autres pays comme la Belgique, en novembre 2023, commencent à emboîter le pas de la France, qui s’avère le premier pays… au monde à avoir légiféré sur le sujet. 

La conférence a donc permis de remettre en lumière les éléments rendus obligatoires par la loi (depuis 2023) et qui favorisent, par la transparence, la confiance de 8 Français sur 10 : 

  • Évocation de la collaboration commerciale 
  • Partenariat rémunéré 
  • Photo retouchée 
  • Image générée par l’intelligence artificielle 
  •  

A signaler :  certaines questions restent tout de même en suspens comme l’imposition et l’encadrement du procédé du gifting (cadeaux des marques aux influenceurs) par la loi. 

Quel rôle ont les influenceurs.ses dans la société aujourd’hui ? 

Les créateurs.trices de contenu jouent un rôle grandissant pour les marques puisqu’ils travaillent réellement et font évoluer les réflexions de la société sur toutes les tendances du moment (environnement, engagement, inclusivités, …). Leur engagement est croissant et leur sincérité indispensable pour incarner les valeurs et les marques qu’ils ou elles promeuvent. 

Aujourd’hui l’influence ne se pratique plus de la même manière, car ces créateurs.trices ont pris en considération l’impact que leurs messages pouvaient avoir sur les cibles et “limitent souvent le nombre de leurs collaborations afin de mieux prendre le temps d’enquêter sur les marques avec lesquelles ils ou elles souhaitent collaborer”, comme l’explique Camille Nourtier. De leur côté, les marques prennent également ce même temps, indispensable, pour l’analyse des dérives et des comportements passés de l’influenceur.se – et des risques de bad buzz. Une responsabilité donc mutuelle qui se doit de n’évoquer que les sujets demandés et cadrés… et éviter l’ensemble des sujets polémiques ou demandes de prises de position trop régulières, malgré les pressions insufflées au quotidien par leurs communautés. 

Par ailleurs, Tom Esnault témoigne du fait que les hommes et les femmes politiques s’intéressent de plus en plus à l’impact de l’influence. Notamment au moment des élections, comme on peut le voir à chaque élection américaine depuis Barack Obama, “en profitant de l’engagement de certaines célébrités pour en faire une influence de poids dans le résultat des scrutins”. Taylor Swift et ses 270 millions de followers (!) sera-t-elle un nouveau renfort de poids pour Joe Biden ? Sa qualification de “sorcière satanique” par les Trumpistes en dit long sur la crainte de son influence… 

Au-delà du recours à ces relais d’opinion très populaires, “de plus en plus d’hommes et de femmes politiques deviennent influenceurs.euses” à l’instar de Jean-Baptiste Djebbari (ancien ministre des transports de 2020 à 2022) possédant aujourd’hui une communauté de 100 millions d’abonnés sur TikTok. Ce qui montre l’importance actuelle de l’influence pour servir les messages politiques et conquérir une notoriété auprès de nouvelles cibles. 

Comment l’intelligence artificielle impacte-t-elle le domaine de l’influence ? 

Autre nouveauté évoquée lors de cette table ronde, l’utilisation des intelligences artificielles au service de l’influence. Avec l’exemple de Anne Kerdi, une intelligence artificielle “manipulée” par un homme pour promouvoir, au travers de l’image d’une femme, la Bretagne sous toutes ses formes. “Le métier d’influenceur est lui aussi touché par les intelligences artificielles”, comme nous l’évoque Nolwenn de Cintré. Néanmoins, le manque d’authenticité et d’humanité de cette nouvelle catégorie d’influenceurs a su poser questionnement auprès de nos experts, notamment sur la différenciation dans la perception de ce type de contenu auprès des jeunes et plus anciennes générations, plus ou moins aguerries à ce concept. “Rien ne vaudra jamais un être humain pour parler à un autre être humain !”, résume Lauriane Le Texier 

En bref… 

L’influence est un secteur en pleine restructuration aussi bien sur le plan législatif, qu’au niveau de son périmètre d’action ou encore de sa pratique au quotidien. De plus en plus de secteurs, autrefois considérés comme imperméables à l’influence à l’instar de la politique, du monde de la santé ou encore de la culture revoient leur approche et relation avec l’influence. Aujourd’hui, les causes et les préoccupations des cibles et des populations, comme l’environnement, sont au cœur des priorités des influenceurs.euses et constitue un élément essentiel dans leur choix en matière de partenariats. 

Article rédigé par Romain THIERY, étudiant à SUP’DE COM Nantes – Photographies de Lou LE STRAT étudiante à SUP’DE COM Nantes.