Retour sur “L’intelligence artificielle, quels défis pour les pros de la communication ?”

Un thème au cœur de l’actualité pour cette table ronde qui s’est déroulée le mercredi 25 octobre dans les locaux d’Audencia Sciencecom au Mediacampus. Merci à eux pour l’accueil et un grand merci à nos cinq spécialistes: Estelle Prusker Deneuville (professeur à Audencia SciencesCom), Jean Robino (Entrepreneur IA & Design, The Next Playground), Anne-Laure Guermont (directrice communication & RSE, Publicis Carré Noir), Barbara Delacroix (CEO Scriptor Artis, inventrice de Devana.ai) ainsi que, Sandrine RABOUILLE (Les règles de l’art, consultante et formatrice droit de la propriété intellectuelle et droit à l’image) pour leurs avis éclairés sur la question.

L’Intelligence Artificielle générative a été découverte par le grand public en décembre 2022 avec l’arrivée de Chatgpt. Cette IA générative a été très vite adoptée par les utilisateurs :

100 000 millions d’usagers en 2 mois, là où Instagram a pris plus de 2 ans” commente Estelle Prusker Deneuville. Du texte à l’image avec Midjourney ou Dall-E. Du texte à l’audio. Du texte à la vidéo. C’est “la course à la création”.

Mais alors quels sont les impacts de l’IA sur l’économie et la communication ?

“Une dynamique du marché avec une progression de 7% du PIB annuel mondial”

En effet, l’intelligence artificielle a permis de créer une nouvelle dynamique,une croissance de la productivité et une augmentation du pourcentage du PIB/an.

Pour la communication, elle permet une automatisation des tâches, par exemple pour le SEO, les textes peuvent être générés automatiquement.

C’est un quart du travail actuel qui pourrait être automatisé par une IA

Parallèlement, selon Goldman Sachs ce sont plus de 300 000 millions d’emplois qui seront impactés dans les pays développés et ce sont, contrairement à la révolution industrielle, les « cols blancs » (travailleurs de bureau, les cadres) qui en payeront le prix. 

Nous allons faire face à l’apparition de nouveaux métiers tels que IA Prompt Engineer (créateur de prompt pertinent et adapté pour communiquer avec l’IA) et avoir ainsi besoin de nouvelles compétences.

Mais l’intégration de l’IA dans l’entreprise pose aussi beaucoup de questions notamment sur la nécessité de former les employés à cette nouveauté ainsi que les enjeux, la fiabilité, la question de l’éthique et la consommation carbone des campagnes générées par cette dernière…

Comment mettre l’IA à profit dans son entreprise et comment y former ses collaborateurs ?

Pour Jean Robino, Entrepreneur IA & Design, The Next Playground les IA génératives sont un nouveau terrain de jeu pour la créativité.

 

Avec les IA génératives, j’ai l’impression de revenir 20 ans en arrière avec un environnement propice à la créativité et à l’innovation”.

 

 

Il intervient dans les entreprises afin d’y intégrer l’IA générative selon un processus qui comprend quatre items.

En premier lieu, la formation, à travers des ateliers d’initiation aux IA génératives. Les équipes sont accompagnées et guidées afin de leur permettre de comprendre, d’apprendre et de se rendre compte de la capacité d’une IA.

Par exemple, créer un scénario et la bande d’annonce d’une série originale grâce à plusieurs IA en seulement une journée.

En second lieu, l’idéation : la production d’idées, en confrontant les idées humaines à celles de ChatGPT, les collaborateurs ont pu se rendre compte que les idées humaines étaient encore choisies et jugées pertinentes. Le but étant de lever les freins et craintes légitimes ressenties par beaucoup envers les IA.

Enfin, la conception et le déploiement, Jean Robino s’est encore une fois appuyé sur les atouts et les superpouvoirs des IA. En effet, avec ses associés de The Next Playground ils ont pu créer un jeu de société « Olympus X » sur l’univers de la mythologie, en seulement 72 heures. Une création impensable il y a de cela un an : il aurait fallu des mois de processus créatif des illustrations.

Ces découvertes leur ont permis de développer leur propre IA générative Jaira au service de l’immobilier, elle permet entre autres la rédaction d’auto-annonces. 

“C’est toute notre culture en amont qui nous permet d’être efficace dans la production et dans la conception de ces outils”.

Les IA génératives paraissent prometteuses si elles sont utilisées à bon escient mais alors doivent-elles inquiéter les agences de communication ?

Quelle est l’influence des IA généralisées sur la relation agence-annonceur ?

Anne Laure Guermont [Publicis] nous a, quant à elle aiguillés au sujet de l’impact des IA généralisées sur la relation agence-annonceur. Une prise de parole tournée autour de la question suivante : 

« L’IA va-t-elle tuer les agences ? »

 

L’intervenante recense au premier abord des informations factuelles plutôt pessimistes.

En effet, en 30 ans, le prix moyen d’une unité d’œuvre (outils permettant de mesurer et évaluer l’activité d’une structure) a été divisé par 3, compensé néanmoins par une augmentation de la productivité.  Selon l’Insee la profitabilité des agences françaises de tous types est passée de 3,8% en 2010 à 0,8% en 2019.”

Les IA présentes dans tous les domaines pourraient à première vue affecter toutes les agences. Elles vont bousculer les habitudes de travail, diminuer la productivité des agences et engendrer une augmentation de la pré-production et de la post-production.

Néanmoins, selon Anne-Laure Guermont, les IA ne tueront pas les agences !

Premièrement, le modèle de l’agence et de son travail avec les annonceurs est la réinvention, et ce depuis toujours. On sait faire preuve d’agilité et tirer le meilleur de ce qui se joue affirme-t-elle. L’IA utilise déjà ce qui existe déjà alors que l’homme, lui, prend de nouveaux chemins et est capable de faire la différence et même de détourner avec ironie les codes de l’IA. Par exemple avec la campagne de communication de la croix rouge

En outre, l’intelligence artificielle est biaisée, dans le sens où elle peut être considérée comme raciste, sexiste, stéréotypée et discriminante

Enfin, l’IA est encore floue. Elle présente un grand nombre de limites technologiques, juridiques et éthiques

Vous l’avez donc compris, dans les grandes lignes, l’IA aura des impacts sur les agences pour toutes les fonctions : exploration stratégique et créative, production de contenus créatifs, transformation de contenus, etc. Il y a un basculement des habitudes de travail à prévoir. Par exemple : Midjourney peut servir à tester une idée par recherche de visuels. Il est donc important d’avoir conscience de son existence afin de ne pas manquer le train et permettre à chacun de booster sa créativité. L’intégration de l’IA dans le monde professionnel va ainsi être le ciment d’une nouvelle relation agence-annonceur. 

Pour conclure : « Les IA ne sont que des outils. La question n’est pas de savoir SI on va les utiliser mais COMMENT on va les utiliser. »

 

 

 

4) Comment fonctionne une IA ? Avec la créatrice de Devana.ai

La créatrice de DEVANA, Barbara Delacroix a pris la parole concernant le fonctionnement d’une IA. 

« Claude 2, LLAMA, modèle LLM, Data set, open source, API… »

Une partie plus technique mais tout aussi enrichissante.

Quelle est la problématique de DEVANA ? Elle est de concevoir l’IA de confiance. Pourquoi la confiance ? Car c’est le fondement de cette IA qui est une IA de fact-checking. Elle a pour but de vérifier les sources (afin que l’utilisateur puisse les citer, qu’on puisse y avoir accès) et de comprendre un texte scientifique ou de rédiger un rapport technique. 

Pour le moment Devana est opérationnelle sur le texte, ensuite ce sera l’image.

L’intervenante a succinctement expliqué comment les IA étaient entraînées et étonnamment, le processus est plutôt simple. Prenons l’exemple d’une IA comme Mid journey. Afin de l’entraîner, on décrit dans un premier temps un grand nombre d’images. Par la suite, l’IA combine toutes ses informations et assemble les différents éléments.  

« Rien ne se crée. Rien ne se perd. Tout se transforme. »

La qualité de nos contenus est garante de notre identité culturelle. Si les sites (informationnels) ferment leurs contenus, leur accessibilité, aux IA, qu’est-ce qu’on laisse en accès à tout le monde ? Pour éviter cela, un travail sur une convention autour des droits d’auteur, à l’entrée (le prompt) et à la sortie (le contenu généré) est nécessaire.

5) Quid de la protection des données générées par l’IA ? 

Sandrine Rabouille, consultante et formatrice en droit de la propriété intellectuelle et droit à l’image, a pris la parole au sujet de la protection des données générées par l’IA.

2 questions principales ont permis d’organiser ses propos : 

La première question est la suivante : l’entraînement des IA sur des contenus protégés est-il considéré comme une violation des droits d’auteur ?

Il faut dans ce cas, savoir qu’une autorisation de l’auteur est nécessaire pour exploiter une œuvre protégée par le droit d’auteur. L’intervenante précise que le risque d’une violation des droits d’auteur est limité si l’œuvre est prise dans le domaine public, de même si c’est une création imaginée par l’IA avec écrit “à la façon de” dans le prompt.

Ex : « Midjourney, peins-moi un poisson dans le style de Magritte »

Les concepts, les idées et le style ne sont pas protégés. (Mais attention à toujours respecter les droits moraux.)

Cependant, il y a risque de violation et contrefaçon si l’IA utilise un élément formel très précis et reconnaissable d’une œuvre.

La seconde question est : Les œuvres générées par l’IA sont-elles protégeables par les droits d’auteur ? 

Pour qu’une œuvre créée par l’IA soit protégée, c’est le rendu final qui est pris en compte et il y a nécessité d’une intervention humaine dans le processus créatif de l’œuvre. Mais il faut savoir que la jurisprudence, à l’heure actuelle, est seulement américaine à ce sujet. En Europe le cadre contractuel est en train de se mettre en place. Ce n’est que le début d’un long processus. L’IA Act de 2021 est en cours de révision pour poser un cadre européen. Un début de proposition de loi a commencé en France depuis septembre 2023.

« Mais le temps de législateurs n’est pas le même que celui des IA ! »

Conclusion

Les IA génératives restent en perpétuelle évolution et n’ont pas fini d’évoluer. Elles bousculent le marché du travail, impactent nos quotidiens mais elles sont aussi une aide précieuse pour les communicants à condition qu’elle ne reste qu’un outil supervisé par l’intelligence humaine. 

Article co-rédigé par Léa Maudet étudiante à SUP’DE COM Nantes