Retour sur “Les droits d’auteur ne sont pas une option”

Où en sommes-nous en 2023 ?

Telle était la thématique de la table ronde du 4 mai dernier qui s’est tenue dans l’espace cosy de la Canopée au cœur du centre-ville de Nantes, grâce à l’accueil d’Elise Famy, dirigeante et co-fondatrice dIrys Photographie. Cette dernière a ainsi pu nous livrer son expérience sur la gestion des droits d’auteur au sein de son activité professionnelle. À ses côtés, trois autres grands témoins ont pu apporter leur éclairage sur cette complexe mais inévitable question à laquelle tout un chacun peut être confronté au cours de sa vie tant professionnelle que personnelle : Maître Carole Couson, avocate au Barreau de Nantes, spécialisée dans la propriété intellectuelle, Franck Tomps, photographe et directeur artistique, et Matthieu Colombel, co-fondateur et dirigeant du studio de motion design Blackmeal.

Crédit photo : @Delphine Lelièvre

Le sujet suscite de telles interrogations qu’il aura fallu 2 h pour venir à bout de l’ordre du jour, mais probablement pas de toutes les questions de la salle. Le quizz de départ proposé par l’experte Catherine Ramain, animatrice de la rencontre pour l’APCOM, et consultante en communication, a rapidement permis de se rendre compte de l’ampleur et de la complexité du sujet. 

En voici quelques extraits… Et vous, vous auriez répondu quoi ?

 

« Je souhaite réaliser une campagne média à partir d’une vidéo de communication interne de l’entreprise. Ai-je le droit ? »

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« J’ai besoin, pour une nouvelle campagne, de 4 plans tirés d’un film déjà réalisé pour une précédente campagne. J’ai forcément le droit puisque j’ai déjà payé ? »

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« Je voudrais récupérer la musique du film créée pour mon film afin de l’utiliser lors d’un événement. C’est possible ? »

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« Je n’utilise que des images libres de droit. Je ne risque rien ? »

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Des cas de figure comme ces derniers, il en sera évoqué beaucoup … Avec à chaque fois la même problématique : ce qui semble souvent être une évidence pour le citoyen lambda et souvent même pour les décideurs marketing ou communication dans un cadre professionnel, est bien souvent une interprétation libre ou erronée de la loi !

Mais s’il y a une règle que l’assemblée aura été invitée à bien retenir pour se protéger un maximum – sans pour autant avoir l’assurance de pouvoir exploiter le support à 100% -, c’est de respecter la trilogie suivante dans l’indispensable contrat encadrant les droits d’auteur du produit commandé :

  • Préciser la destination, le(s) support(s) et l’exploitation qui doit en être faite,
  • Le territoire de sa diffusion (en interne, en France, à l’international ?),
  • La durée de son exploitation (un an, trois ans, dix ans ?).

Et pourquoi cela ne protège-t-il pas l’acquéreur à 100 % si tout cela est précisé par écrit, nous direz-vous ? Simplement parce que l’auteur est et restera toujours libre de reprendre, modifier voire même détruire son œuvre : le droit moral relatif aux droits d’auteur est inaliénable, imprescriptible et perpétuel.

Conseil de Catherine Ramain : « Les droits d’auteur s’annoncent dès le brief. Plus vous êtes précis au départ, plus vous assurez vos arrières… Et une collaboration sereine. »

Matthieu Colombel soulève un autre aspect de la réglementation : les créations produites par ses employés sont enregistrées comme « œuvre collective » et les droits ainsi cédés au commanditaire ; mais si un salarié réalise seul la création, il deviendrait alors, selon la loi, propriétaire des droits d’auteur de l’œuvre. Néanmoins, il faut également être conscient que la notion « d’œuvre » est très cadrée elle-même. Tout ce qui est « création » n’est pas forcément une « œuvre ». Au-delà du simple « savoir-faire » voire de « l’expertise », il faut une véritable « originalité » dans le processus créatif.

Elise Famy explique toute la confusion qui règne souvent autour des rushs. Beaucoup de photographes / vidéastes soulignent le fait que vendre les rushs ne constitue pas une bonne idée. L’incompréhension des règles peut en effet parfois mener à des tensions du type : « Ce sont des images de mon entreprise, je ne vais pas repayer pour les avoir ». Pourtant, en livrant les rushs, non retouchés, le risque subsiste de voir le client utiliser des images au nom du photographe / vidéaste professionnel… Sans en posséder les droits définis par ce qui est énoncé plus haut.

Franck Tomps de confirmer : « Vendre des fichiers RAW, demander toutes les images non travaillées, c’est comme demander à un écrivain ses brouillons. Il faut beaucoup de pédagogie pour expliquer cela aux clients, car généralement ce n’est pas compris. » 

C’est une vraie difficulté de faire comprendre le droit d’auteur (il y a confusion avec le droit à l’image), la cession de droit, le droit de reproduction ou de présentation. Plus la diffusion sera importante, plus la cession des droits sera élevée. En France, le prix est libre, car il dépend de bon nombre de critères. Il y a quelques organismes qui proposent des barèmes indicatifs, mais il n’existe malheureusement pas de grille tarifaire officielle.

C’est enfin Carole Couson, en sa qualité d’avocate, qui aura clôturé la table ronde par une présentation des bases juridiques du droit d’auteur. Il serait long et présomptueux de prétendre pouvoir restituer parfaitement et justement ses propos mais 6 points ont étayé son exposé : notion d’œuvre, auteur et titulaire des droits d’auteur, droit moral, droits patrimoniaux, exceptions et contrats d’exploitation.

Sachez en outre qu’un contrat verbal n’a AUCUNE valeur, mais qu’une base contractuelle peut se déduire d’une facture ou d’un simple mail.

Enfin, s’est posé le problème de l’arrivée des IA générant des « créations » en se nourrissant de nombreux supports disponibles sur internet, sans aucun respect des droits d’auteur. Jurisprudence en cours, le chantier est tellement vaste et complexe… Entre loi française, loi américaine, loi internationale, nous ne sommes pas au bout de nos questionnements sur les droits d’auteur… 

Objet d’une future table ronde ?

Article rédigé par Delphine LELIEVRE, Bachelor 3, SUP’DE COM Nantes

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